Pour l'Humanité - La Ligue des droits de l'Homme de l'affaire Dreyfus à la défaite de 1940
Un livre d'Emmanuel Naquet
La Ligue des Droits de l’Homme, dont l’auteur propose ici la première histoire globale de sa fondation à la Seconde Guerre mondiale, constitue, selon Léon Blum, « un monument constitutif de la République » par sa pérennité et son audience, rassemblant jusqu’à 180 000 membres, au-delà même de l’Hexagone, et intervenant quotidiennement auprès des autorités. Parce qu’elle forme une organisation plurielle et évolutive de savants, de juristes, de médecins, de syndicalistes, de coopérateurs, d’hommes de partis comme d’élus de la République, son étude permet d’aborder des sociabilités et des trajectoires, de découvrir des cultures politiques, de montrer comment les histoires du Droit et des droits s’entremêlent, comment les histoires de la Justice et des justices se superposent.
Sa vision et sa participation à l’État de droit et à l’État-providence, par un syncrétisme projeté dans une République à revivifier, l’incitent en effet à condamner la police des mœurs et la peine de mort, à penser la justice militaire, la syndicalisation et le droit de grève, les assurances sociales, mais aussi l’équité fiscale, la démocratie, la laïcité. Ainsi cherche-t-elle à prolonger la révolution des droits de l’Homme, proposant et infléchissant des réformes, continuant donc l’affaire Dreyfus, événement fondateur et modèle d’engagement responsable. Mais les guerres et les dictatures la poussent également à réfléchir et à agir pour la paix et les peuples. De fait, elle formalise un pari d’union politique avec le Front populaire qu’elle annonce et initie, non sans difficultés quand il faut assumer, au lendemain du traité de Versailles et face à la montée des tensions en raison du nazisme et de la guerre d’Espagne, pacifisme et antifascisme.
Cette articulation sur le politique la fait transcender le statut de simple groupe de pression pour devenir une scène de la demande civique : elle œuvre à la socialisation des citoyens, entre le vote et les partis, devenant l’un des pôles structurants de l’écosystème républicain dans l’entre-deux-guerres. Reste qu’elle laisse alors en suspens des questions (droits des « indigènes » et place des femmes dans la Cité par exemple), révélant les limites d’une promesse humaniste, émancipatrice et universaliste, entre les principes et le possible.
Emmanuel Naquet, docteur en Histoire, enseignant en Classes préparatoires, est également chercheur au Centre d’histoire de Sciences Po Paris et membre des comités de rédaction d’Histoire@Politique. Politique, culture, société et de Matériaux pour l’histoire de notre temps. Il travaille sur la culture politique, le modèle républicain, le pacifisme, les formes d’engagement au XXe siècle, et a codirigé, avec Gilles Manceron, Être dreyfusard, hier et aujourd’hui (PUR, 2009, 551 p.). Il est co-auteur, avec Serge Bianchi, Philippe Darriutat et François Ploux, de Citoyenneté, république, démocratie en France de 1789 à 1899 (PUR, 2014). Il prépare, en collaboration avec André Hélard, une anthologie critique de textes de l’intellectuel dreyfusard Victor Basch (PUR en 2015).
Edition : Presses Universitaires de Rennes
684 pages